Quelques rares informations de Birmanie sur les suites de la catastrophe en Asie du sud (le 17 janvier 2005)
Exclusivité Info Birmanie :
Témoignage d'une touriste française en Birmanie
Reçu le 11 janvier 2005 -
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"Je m'inquiète comme vous certainement des conséquences camouflées du tsunami en
Birmanie. J'y ai passé trois semaines du 11 à fin décembre. J'étais à Rangoun le
jour de la catastrophe, on y a ressenti le tremblement de terre vers 7h du
matin, mais rien de très conséquent au niveau des dégâts. Je n'ai appris que
quelques jours plus tard l'ampleur du tsunami en Asie. Rien n'a filtré dans les
infos nationales avant plusieurs jours, et au début la junte ne parlait que des
autres pays, puis progressivement a commencé à annoncer quelques dégât et
dizaines de victimes dans le pays, pour aujourd'hui n'en déclarer que 90. Les
birmans là-bas à Rangoun parlent d'au moins plus de 500 victimes, d'après ce
qu'ils entendent ici et là de personnes des régions touchées venues sur la
capitale. On peut imaginer que ce nombre est largement sous-estimé. D'après les
dernières nouvelles que j'ai eu de birmans sur place, ils sont très inquiets
pour les communautés de pêcheurs (comme les Moken) sur la bande côtière sud et
les nombreuses îles au large (l'île Coco, où les services de renseignements
militaires birmans et des prisonniers se trouvent, aurait été sévèrement
touchée). Plus récemment, on m'a parlé de la région de l'Arakan, qui elle aussi
aurait subi beaucoup de dégâts, notamment les îles au large. De plus, dans cette
région, l'hiver est plus froid cette année, et les habitants des zones de
l'Arakan souffrent du froid (les températures sont bien plus basses dans cette
région que dans la plaine centrale). Voilà, si j'ai plus d'infos, je vous en
ferai part."
Séisme en Asie: interrogations sur le bilan
des victimes en Birmanie
http://www.24heures.ch/home/journal/index.php?Page_ID=12437&id=227104&rubrique_news=international
BANGKOK, le 5 janvier 2005 à 04:33 (AP) - Même après avoir regardé des photos
satellite de la Birmanie, le secrétaire d'Etat américain Colin Powell a déclaré
ne pas être certain de la véracité du bilan des victimes des tsunamis en
Birmanie, où la junte militaire affirme que seuls 59 personnes ont été tuées par
les raz-de-marée. « Je ne sais pas si il faut les croire ou pas», a déclaré
mardi Colin Powell en visite dans la Thaïlande voisine, où plus de 5.000
personnes ont été tuées et 4.000 autres sont toujours portées disparues. Selon
les organisations humanitaires, au moins 90 personnes sont mortes sur la côte
sud de la Birmanie, mais les dissidents et les exilés birmans estiment que le
véritable bilan s'élève à plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de
morts. Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), environ 30.000 personnes
ont besoin d'assistance en Birmanie. « Dans un premier temps, le gouvernement
birman a cru qu'il pouvait gérer le problème seul, mais ils sont revenu sur leur
position. Alors notre offre d'aide a été acceptée», a précisé Simon Pluess,
porte-parole du PAM, programme onusien basé à Genève. Colin Powell a déclaré
pour sa part que d'après les photos satellite, la Birmanie n'a pas été aussi
touchée que les autres pays d'Asie du Sud, une estimation partagée par les
organisations humanitaires, du moins en ce qui concerne l'intérieur du pays.
Mais la situation sur les côtes et les îles birmanes est moins claire. Alors que
nul ne connaît la population exacte de la Birmanie, il est d'autant plus
difficile d'avancer un bilan des victimes dans ce pays fermé, où la junte
militaire au pouvoir ne laisse infiltrer que très peu d'informations.
Selon Aymeric Peguillan, porte-parole de Médecins sans frontières (MSF) en
Suisse, une équipe de MSF a visité l'île birmane de Lampi, de la taille de
Phuket en Thaïlande, et a constaté qu'il y avait peu de dégâts. Le Comité
international de la Croix Rouge et la Croix Rouge birmane devaient se rendre
mercredi dans les îles birmanes pour évaluer la situation sur place, a précisé
le porte-parole du CICR, Eros Bosisio. Selon Zin Linn, porte-parole de la
Coalition nationale du gouvernement de l'Union de la Birmanie, une organisation
regroupant les dissidents et les exilés birmans, le bilan est entre 400 à 600
morts. Quant à So Myint, rédacteur en chef d'un site Internet pro-démocratique
birman, le bilan pourrait s'élever à 5.000 morts.
Les travailleurs clandestins birmans oubliés
des statistiques
http://www.marianne-en-ligne.fr/exclusif/virtual/sant/e-docs/00/00/2A/B2/document_web.md?type=text.html
Le 04/01/2005 à 10 h 00
Installés en Thaïlande pour des raisons économiques, plusieurs milliers
d’immigrés birmans ont sans doute perdu la vie dans le raz-de-marée…dans
l’indifférence générale. Alors que la communauté internationale s’interroge sur
le nombre exact de victimes en Birmanie, le sort des travailleurs migrants
passés en Thaïlande reste incertain. Officiellement, le gouvernement thaïlandais
compte 5139 immigrés birmans et curieusement, aucun d’entre eux ne figure sur la
liste des personnes décédées… Ces statistiques sont d’autant plus fausses que le
nombre de clandestins venus de Birmanie est en constante augmentation. La
communauté birmane aurait-elle miraculeusement survécu au tsunami ? Certainement
pas, mais le gouvernement thaïlandais a bien trop à faire entre les touristes
occidentaux et ses propres ressortissants pour se préoccuper des immigrés venus
d’un des pays les plus pauvres de la planète. « Ils ont été totalement oubliés
», commente Somyos Leetrkul, membre de l’ONG « World Vision ». C’est lui qui a
découvert un camp de réfugiés birmans dans les collines, où plus de 500
personnes ont trouvé refuge après avoir fui la côte. Privés d’eau potable, de
nourriture et de médicament, ces Birmans tentent de survivre sans bénéficier
d’aucune aide extérieure. « Ils veulent rentrer chez eux et revoir leur famille
», explique le travailleur humanitaire. Un retour bien plus difficile à
organiser que celui des touristes occidentaux. Auteur : Anna Topaloff
Un village de pêcheurs de Birmanie balayé par le
tsunami
http://www.courrierinternational.com/AFP/depeche.asp?obj_id=050103081905.jbo7r3su
KHA PYAT THAUNG (Birmanie), 09:19, le 3 janvier 2005 (AFP)
Un village birman de quelque 600 pêcheurs a été totalement balayé par le tsunami
du 26 décembre, laissant 17 morts et des vies brisées sur les côtes de ce pays
isolé. La plupart des victimes étaient des enfants jouant sur la plage devant
les eaux habituellement calmes de la mer des Adamans. Une vague de 10 mètres a
anéanti leur vie et pulvérisé les huttes en bois du bord de mer, ont indiqué des
villageois à l'AFP. "Notre petit campement de pêcheurs a été balayé par la
vague. Tout a été emporté, toutes les cabanes ont été détruites et 17 personnes
ont été tuées, des enfants surtout", déclare un habitant, Ko Myo Tun, dans l'un
des premiers témoignages directs recueillis dans ce pays où l'information ne
circule guère. Les journaux officiels ont actualisé lundi le bilan à 59 morts et
trois disparus, tandis que l'Onu sur place a fait état de 90 morts. Ce pays
d'Asie du Sud-Est semble avoir été largement moins touché par les raz-de-marée
qui ont fait plus de 140.000 morts dans les pays voisins, Indonésie, Sri Lanka,
Inde et Thaïlande en tête. A 350 km au sud-ouest de la capitale Rangoun, dans la
division d'Ayeyarwaddy, le village nomade s'était installé là il y a seulement
un mois, à la faveur de la fin de la saison des pluies. Le tsunami a provoqué de
nombreuses destructions dans les environs de Kha Pyat Thaung, a constaté la
journaliste de l'AFP. Plusieurs villages voisins tentent de remettre debout
leurs cabanes de bois. "Dès qu'on a vu cette vague incroyable venir vers nous on
s'est tous précipités vers les hauteurs, emmenant avec nous certains des enfants
qui jouaient", explique Myo Tun. "Mais ceux qu'on n'avait pas pu faire remonter,
14 au total, ont été emportés sous nos yeux", dit-il, bouleversé. Les enfants
avaient entre deux et six ans. Trois femmes ont aussi été tuées quand les vagues
ont aplati le village. Les communications dans les zones côtières éloignées du
pays dirigé par une junte repliée sur elle-même sont très difficiles. L'Unicef a
averti que le bilan pourrait être bien plus élevé qu'on ne le croit, car de
nombreux villages côtiers ont pu être touchés dans ce pays qui a 2.830 km de
littoral, en général non développé et difficile d'accès. Les dégâts semblent
être les plus importants dans les divisions d'Ayeyarwaddy et de Tanintharyi, à
la pointe sud du pays, frontalière de la Thaïlande. L'état Rakhine, dans
l'ouest, aurait aussi souffert, et notamment les îles Co Co, selon l'Onu, qui
s'inquiète du sort des villages de gitans de la mer. La Croix rouge dans la
division d'Ayeyarwaddy a annoncé que quelque 1300 personnes avaient besoin
d'aide dans la zone de Labutta et le Programme alimentaire mondial (PAM) a été
contacté pour acheminer de la nourriture. Maung Maung, un pêcheur de 36 ans, a
raconté à l'AFP, qu'il était en mer avec sept autres hommes lorsque leur bateau
a chaviré. "On a chaviré mais on a réussi à tenir et à rester au-dessus de la
surface jusqu'à l'arrivée des secours", dit-il. "J'ai paniqué quand je suis
arrivé à terre et qu'on m'a dit que des enfants avaient été emportés",
ajoute-t-il. "Je me suis précipité dans ma hutte et j'ai été soulagé de voir que
mes deux petites filles et ma femme étaient saines et sauves, mais la hutte et
tout ce qu'on avait a été emporté". Mais d'autres ont eu moins de chance. Comme
Tin Moe Kyi, une femme de 28 ans et mère de quatre enfants, qui a perdu son plus
jeune enfant qu'une vague a arraché à la main de l'homme qui essayait de le
sauver. Cette bouddhiste est allée dimanche au monastère déposer des offrandes
en hommage aux victimes, dont son petit enfant. Les responsables du régime
militaire ont survolé la zone en hélicoptère et ont fait acheminer de l'aide à
ceux qui avaient perdu des proches.
Birmanie / séisme : des centaines de pêcheurs
tués par le tsunami
http://www.agefi.com/Quotidien_en_ligne/News/index.php?newsID=77279
GENEVE, 4 jan (AFP)
Des "centaines" de pêcheurs ont vraisemblablement été tués en Birmanie par le
raz-de-marée dans l'océan Indien, a indiqué mardi le Progamme alimentaire
mondial (PAM), alors que le régime birman a fait état jusqu'à présent de 53
morts et 21 disparus. "On craint que des centaines de pêcheurs soient morts", a
déclaré à l'AFP le porte-parole du PAM à Genève, Simon Pluess. "Quelque 30.000
personnes sont dans le besoin immédiat d'un abri, de nourriture, d'eau potable
et de médicaments". M. Pluess a précisé que Rangoun avait lancé un appel à
l'aide internationale le 30 décembre, quatre jours après que les régions
côtières du pays eurent été frappées par le raz-de-marée. Cet appel comprend une
demande d'aide alimentaire. "Le gouvernement birman croyait pouvoir régler le
problème par lui-même mais il a fini par faire appel à l'aide internationale", a
observé le porte-parole. Samedi, les médias officiels birmans avaient fait état
de 53 morts dans 17 villages de pêcheurs, ainsi que de 21 disparus, 43 blessés
et 778 sans-abri. Le dernier bilan de l'ONU, donné le 28 décembre, faisait état
d'au moins 90 morts. La Birmanie est frontalière de la Thaïlande, où le tsumani
a fait plus de 5.000 morts, sur un total de plus 145.000 morts pour l'ensemble
des pays frappés par la catastrophe. La junte au pouvoir ne détaille que
rarement les nombreux désastres naturels qui frappent régulièrement le pays. Les
dégâts matériels, dans l'un des pays les moins développés de la planète, ont été
officiellement évalués à quelque 53.000 dollars. M. Pluess a indiqué qu'une
équipe d'évaluation du PAM devait faire dans la journée une inspection de la
région côtière de Khatong, considérée comme l'une des plus touchées par la
catastrophe. Une mission similaire s'est rendue le week-end dernier dans la
région d'Irrawaddy, où elle a découvert que 10.000 personnes nécessitaient une
aide alimentaire immédiate. Le PAM coordonne la réponse des Nations unies dans
cette région, en collaboration avec la Fédération internationale de la
Croix-Rouge, a souligné M. Pluess.
En Birmanie, les populations lacustres ont été
les plus affectées par le raz de marée
LE MONDE, le 03.01.05 à 15h03 ;
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3216,36-392709,0.html
Aucun officiel n'est passé, disent les villageois, et personne n'a rapporté les
décès. A peine répertoriés, vivant pour certaines communautés en nomades, les
sinistrés n'ont aucune idée de l'ampleur des destructions.
Kawthaung de notre envoyé spécial
A Ranong, au nord des provinces côtières qui abritent la plupart des zones
touristiques dévastées de Thaïlande, il suffit de traverser le large estuaire de
la rivière Chan pour passer en Birmanie. Les touristes qui n'ont pas de visa
birman peuvent passer, pour 5 dollars, de un à trois jours dans la zone de
Kawthaung, que les Britanniques appelaient Victoria Point à l'époque
coloniale. Ils ne sont pas censés sortir d'un périmètre de cinq milles, à
cause des actions de la guérilla Mon. Le poste d'immigration est sur pilotis, on
y accède dans un de ces bateaux "à longue queue" qui sont le principal moyen de
transport local. Le douanier, les dents rougies par le bétel, a visiblement peu
d'informations sur les dégâts du tsunami en Birmanie. Officiellement, il aurait
fait 53 morts et provoqué la destruction de 17 villages. Gouverné par un régime
militaire très dur, le pays est l'un des plus fermés et des plus pauvres d'Asie.
Il est en pleine crise économique, et politique. L'Unicef parle d'un bilan de 90
victimes, mais il pourrait être plus élevé de quelques centaines à quelques
milliers. Et pour cause : les populations les plus touchées sont les habitants
de villages lacustres à peine répertoriés, nomades, pour certains, ayant un
niveau de vie très bas et de très nombreux enfants. La petite ville de
Kawthaung vit du commerce avec la Thaïlande et de trafics en tout genre. Des
groupes d'adolescents proposent du Viagra et du Valium à des prix imbattables.
Des panneaux bleu clair, en anglais et en birman, incitent à la lutte collective
contre la drogue. La ville est dans l'estuaire, elle a été protégée. A la sortie
de Victoria Point, on rejoint assez vite la côte de la mer d'Andaman. Toute la
zone est parsemée d'îlots. Ils ont manifestement affaibli l'impact du tsunami.
Des enfants sur le Tamarinier.
Ici, la route a été submergée et les maisons ont été inondées par la vague. Mais
pas de murs affaissés comme en Thaïlande. Plus loin, en revanche, un grand pont
de bois a été emporté. Une femme s'est noyée. Il faut faire un détour pour
parvenir à Sitong, village de pêcheurs qui se trouve sur l'autre rive du bras de
mer. Quelques maisons ont été complètement détruites. Surtout, l'eau a monté,
très vite. Il y a eu trois morts, dit-on ici, dont un homme qui se serait pendu,
au moment de l'inondation, car il avait tout perdu. Les corps ont été brûlés un
ou deux jours plus tard, disent les villageois. Aucun représentant des autorités
n'est passé, affirment-ils, et personne n'a pris la peine de rapporter les
décès. Le village s'en est bien tiré, à voir la multitude d'enfants qui
accourent au passage d'étrangers. Quand l'eau a monté, des adultes ont fait
grimper 15 enfants sur un grand tamarinier, au centre du village. Tua Zar, une
jeune femme de 28 ans, aux allures de garçon manqué, orpheline arrivée dans le
village à 13 ans, en a pris deux sur son dos, et a couru sur le chemin, pieds
nus. Rattrapée par l'eau, elle a tenu bon et sauvé les enfants. Mais elle n'a
plus de chaussures.
De Sitong, on prend une pirogue à moteur pour accéder à l'île d'en face, où se
trouve le village de Baloc Tong Tong, véritable cité lacustre. Les maisons sont
perchées à un ou deux mètres au- dessus de l'eau. La jetée principale est en
ciment. Il y a au bout un réparateur de moteurs de bateaux, puis une école où
des enfants chantent, une bibliothèque avec des livres usés, enfin, une sorte de
café où des hommes sont attablés au soleil. Sur la terre ferme, une petite
maison surmontée d'un drapeau birman fait office de bâtiment officiel. Il y a
près de 500 maisons, soit entre 1 000 et 2 000 personnes. Le village est orienté
de telle sorte que la vague est arrivée de côté. "La vague a frappé à 11 heures.
On l'a vue venir au loin. Tout le monde a couru se réfugier dans la montagne",
dit le "président" du village, un musulman, nommé Sadad. Dans les maisons sur
pilotis, l'eau est arrivée à hauteur de poitrine. Trois cents foyers ont connu
des dégâts, surtout du côté musulman, et plusieurs maisons ont été détruites ;
les provisions, les fruits de la pêche, les filets ont été emportés. Mais pas de
morts.
Personne n'a d'informations sur le sort des autres centaines de villages
similaires de la division de Tanintharyi. Le chef ne connaît pas le chiffre
officiel de victimes donné par le régime.
Une autre région birmane aurait été touchée, peut-être davantage : le delta de
l'Irrawaddy, au sud-ouest de la capitale, Rangoun. La région est, elle aussi,
composée de villages lacustres qui vivent de la pêche. Une partie des habitants
sont nomades, ce sont des "gitans de la mer", d'ethnies Salone et Moken. Selon
un envoyé spécial de l'Agence France-Presse, quinze enfants ont disparu dans un
de ces villages, Kha Pyat Thaung. Brice Pedroletti - ARTICLE PARU DANS L'EDITION
DU 04.01.05
Îles Andaman : Après les secousses et les vagues, la peur des crocodiles
(REPORTAGE)
PORT BLAIR (Inde), 3 janvier 2005 (AFP) - Les habitants de la petite île de Hut
Bay, dans l'archipel indien des Andaman, sévèrement touchée par le séisme suivi
de raz-de-marée du 26 décembre en Asie, seraient désormais menacés par les
crocodiles chassés de leurs abris. Dans cette île à quelque 1.000 kilomètres à
l'est de l'Inde continentale, dans le golfe du Bengale, les prédateurs ont en
effet été privés des criques où ils logeaient par les dévastateurs tsunamis, ont
raconté des habitants qui ont fui cette zone sinistrée. Ils errent autour des
embarcadères détruits, pendant que les garde-côtes tentent d'empêcher des
attaques. "Certains font 3,3 mètres de long", explique le garde forestier
Mohammad Hanifa, réfugié à Port Blair, la capitale des Andaman. "Ces animaux
rendent les évacuations très difficiles", ajoute un autre garde de l'île, Ram
Kishan. Hut Bay, 10.000 habitants, est située à quelque quatre heures de mer de
Port Blair, au sud. Les deux hommes, employés par le département de
l'Environnement indien, ont fui l'île avec leurs familles après que leurs
maisons aient été détruites par la déferlante. Mais des milliers de personnes y
seraient encore bloquées, manquant d'eau et de vivres. "Des garde-côtes se sont
approchés en hors-bord et ils ont dû repousser des crocodiles pour faire monter
des gens à bord", affirme Ram Kishan. "Maintenant, ils se servent d'avions de la
Marine", dit-il en expliquant que ces évacuations sont moins périlleuses. Un
autre garde, Mohammed Zainuddin, qui a échappé aux vagues en mettant toute sa
famille sur un scooter, dit avoir observé un comportement inhabituel chez les
crocodiles. "Après toutes ces années dans les Andaman, c'est la première fois
que je vois autant d'agressivité chez les +crocs+. Il se peut que les tsunamis
aient englouti la faune marine et que ces créatures soient affamées", estime le
spécialiste.
Un autre expert, S.R. Mehta, conservateur en chef de la vie sauvage et des
forêts des Andaman, exprime toutefois sa surprise. "C'est vrai, il y a beaucoup
de crocodiles dans les Andaman du centre et du sud, mais nous n'avons jamais
enregistré d'attaques contre des humains", dit-il. "Il n'est pas exclu qu'ils
mangent des cadavres, mais nous n'avons pas non plus d'informations là-dessus",
ajoute-t-il, refusant de confirmer des informations selon lesquelles des
crocodiles ont attaqué des blessés dans l'île de Car Nicobar. Les archipels des
Andaman et Nicobar, habités par environ 350.000 personnes, sont par endroits
très proches de l'épicentre du séisme qui s'est produit le 26 décembre au large
de l'Indonésie. Selon le dernier bilan livré par les autorités fédérales, au
moins 818 personnes se trouvant sur ces îles éparpillées sur 800 kilomètres,
entre la Birmanie, au nord, et l'Indonésie, au sud, sont mortes et plus de 5.000
y sont portées disparues.
Les rescapés des Andaman contestent le bilan
officiel (REPORTAGE)
PORT BLAIR (Inde), 31 décembre 2004 (AFP) - Les rescapés des archipels indiens
des Andaman et de Nicobar, tirés de leur enfer à bord de bateaux et d'avions de
l'armée indienne, accusent les militaires d'avoir éparpillé des familles et
répriment à peine leur colère face à la faiblesse des bilans officiels. "Je veux
mon père. Il me manque. Je veux retourner dans mon île!": Tapila Abrahim, 18
ans, est née à Chowra, miette des Andaman, ensemble d'îles coralliennes à la
végétation tropicale située à quelque 1.000 km à l'ouest des côtes indiennes.
Vendredi, elle était perdue au milieu de 522 sans abri, déposés comme elle dans
un refuge de Port Bay, après avoir été ramassés par l'armée dans des dizaines
d'îles et d'îlots des deux archipels qui s'étendent sur 800 km, du nord au sud,
entre la Birmanie et la pointe nord de Sumatra (Indonésie). La police estime
qu'un tiers de la population de Chowra - soit 1.000 insulaires sur 3.000 - a été
emportée par les flots dévastateurs de dimanche.
Cette île située à seulement 200 km de Sumatra était en effet très proche de
l'épicentre du séisme qui a déclenché des raz-de-marée dans toute l'Asie du sud
et sud-est, tuant plus de 125.000 personnes. Dans le même centre, Matella
George, 22 ans, également originaire de Chowra et blessée à la jambe, n'arrive
pas à oublier les scènes d'horreur, puis de séparation. "Nous avons fui vers les
forêts et nous nous sommes accrochés aux arbres... mais quand la Marine est
arrivée, ils n'ont pris que moi. Je ne sais même pas si ma famille est vivante,
personne ne sait", dit-elle. Sarasamma Sasi, de Hut Bay (10.000 habitants)
accuse même l'armée de n'avoir secouru que les femmes et les enfants, plus
légers dans les avions en charge des évacuations. "Nous avons été entassés comme
du bétail dans l'avion. Moi, je veux juste savoir ce qui est arrivé (à ma
famille, NDLR) et aux gens de mon île", dit-elle en pleurant. Sans nouvelles des
leurs, ces rescapés sont aussi persuadés que le bilan officiel est largement
inférieur à la réalité. Vendredi, le dernier bilan livré par le ministère de
l'Intérieur faisait état de 7.736 morts en Inde continentale et de 712 morts
dans ces archipels. Les autorités précisent que l'on est sans nouvelles de 3.000
habitants de ces îles. Mais selon la police et les bénévoles locaux jusqu'à
10.000 personnes pourraient avoir péri. "A la différence de l'Etat du Tamil Nadu
(Inde, le plus touché sur le continent en nombre de victimes, NDLR) qui a une
côte sur laquelle les corps peuvent s'échouer, les Andaman n'ont que des îles et
les gens emportés par les vagues sont perdus à jamais", affirme le chef de la
police de l'archipel, Sarsahn Deol. "Nous ne cherchons pas à cacher quoi que ce
soit, mais nous avons des problèmes logistiques car les îles sont éparpillées
sur 800 km", tente pour sa part d'expliquer le préfet Ram Kapse. "Mais de quoi
ils parlent ? Ils ne savent même pas combien de personnes habitent dans chacune
de ces îles", s'insurge Mariam Robert, de Chowra, ajoutant que l'éparpillement
des réfugiés dans différents abris rend les décomptes encore plus difficiles.
Son fils, son neveu et sa belle soeur ont disparu. "Le gouvernement dit que
Chowra ne compte que 1.500 habitants. Moi, j'ai vécu là-bas toute ma vie et je
sais avec certitude qu'il y a 3.000 habitants, affirme-t-elle. "Les familles ont
été séparées par quatre biais: les camps (pour réfugiés, NDLR), les hôpitaux,
les îles, et puis il y a ceux qui sont morts ou disparus comment qui que ce soit
peut résoudre ce puzzle chinois ?", s'interroge un bénévole japonais, sous
couvert de l'anonymat.